12/07/2025

Bien choisir ses équipements pour maîtriser l’enherbement de la vigne en hiver

Comprendre les enjeux de l’enherbement hivernal en viticulture

L’enherbement hivernal joue un rôle capital dans la gestion de la vigne : il protège le sol contre l’érosion, favorise la biodiversité et limite le tassement. Mais il ne doit pas être laissé au hasard. La gestion des couverts d’automne-hiver dès la chute des feuilles jusqu’aux premiers travaux de printemps soulève des questions techniques et économiques spécifiques.

  • Contrôle de la vigueur de la vigne : un enherbement mal maîtrisé peut trop concurrencer la vigne, surtout sur les sols maigres ou lors d’hivers secs.
  • Préparation des sols : le retour au sol des parties aériennes, l’entretien de la surface et l’incorporation des couverts influencent le démarrage végétatif.
  • Gestion sanitaire : un couvert trop haut peut favoriser l’humidité et donc les maladies, ou gêner le passage des engins au redémarrage.

L’équipement doit donc permettre un contrôle fin et efficace du couvert, sans dégrader la structure du sol ni perturber la vie microbienne. Les choix varient selon le type de sol, le climat, la pente, les modes de conduite, les ressources du domaine et les objectifs recherchés (production, environnement, bio, etc.).

Panorama des équipements dédiés à l’enherbement hivernal

Plusieurs familles d’outils répondent aux besoins de gestion des interrangs et sous le cavaillon en hiver. Chacun possède ses avantages, ses limites et ses prérequis d’utilisation.

1. Le rouleau (écraseur à couverts ou Rolofaca)

  • Principe : aplatit le couvert sans le couper, abîmant les tiges pour stopper la montée en graines et favoriser la décomposition au sol.
  • Bénéfices : limite les repousses, protège la surface (effet “paillage” naturel), compact peu et ne consomme que très peu de carburant.
  • Limites : efficacité réduite sur couverts trop hauts (>30-40 cm), sur adventices ligneuses ou sur sol très humide.
  • Utilisation : dès les premiers coups de gel ou en préfloraison du couvert. Poids du rouleau à ajuster en fonction de la densité des végétaux.

Le Saviez-Vous ? Sur un essai IFV Alsace, l’utilisation d’un rouleau a permis de réduire de 30% la couverture végétale au sol en 2 semaines (source : IFV, 2022), tout en conservant une bonne portance pour les passages postérieurs.

2. La tondeuse à lames ou à fléaux

  • Principe : coupe nette ou éparpille le couvert par broyage, ramène l’herbe coupée au sol pour accélérer la décomposition.
  • Avantages : contrôle rapide et visuel du résultat, adaptée aux passages fréquents grâce à une vitesse d’avancement élevée, nombreux modèles interceps pour travailler entre les pieds.
  • Inconvénients : impact possible sur la faune du sol si passage ras, consommation plus élevée de carburant qu’un rouleau.
  • Réglages clés : hauteur de coupe (à maintenir : 6-10 cm en hiver pour limiter le risque de reprise adventice), adaptation de la vitesse selon les conditions (éviter les coupes trop rases).

Selon l’IFV (source), le passage d’une tondeuse permet généralement de réduire la biomasse aérienne de 50 à 60 % lors d’un passage unique en interrangs.

3. Le broyeur (à axe horizontal ou vertical)

  • Principe : coupe et pulvérise finement le couvert, accélérant la dégradation des matières organiques. Les broyeurs à axe horizontal sont les plus courants en viticulture.
  • Points forts : maîtrise efficace d’un couvert dense ou ligneux (résidus de bois inclus), polyvalence sur adventices coriaces restées après l’été.
  • Limites : consommation d’énergie importante, risque de compactage ou de bourrage sur sols très humides, possible projection de débris.
  • Utilisation : en début ou fin d’hiver, idéal après le broyage des sarments.

En Gironde, les broyeurs à axe horizontal couvrent près de 80% des besoins sur grande propriété (source : Chambre d’agriculture 33, 2023), appréciés pour leur robustesse sur couverts mixtes.

4. Les outils interceps (lames, disques, écimeuses)

  • Spécificité : interviennent sous le cavaillon, là où l’enherbement est parfois interdit ou limité (ex. : contrôle du mildiou, de la grappe proche du sol).
  • Exemples : lames souterraines (type “LavaLame”, “Actisol”), disques émotteurs, petites tondeuses interceps articulées, écimeuses électriques à faible encombrement.
  • Choix : travail mécanique peu profond (2-4 cm), éviter le retournement massif pour préserver la structure du sol.

Bien choisir selon le contexte du vignoble

Le choix ne dépend pas que du matériel : il faut composser avec la topographie, les objectifs agronomiques, le calendrier d’intervention et le budget disponible.

Topographie et type de sols

  • Sols argileux ou fragiles : privilégier les rouleaux pour limiter le tassement, éviter le broyage intensif sur sol humide.
  • Parcelles en pente : attention à la puissance des tracteurs nécessaires pour le broyage sur dénivelé. Des outils portés légers ou autoguidés réduisent le risque de glissement.

Objectifs techniques et environnementaux

  • Objectif “paillage” : privilégier rouleau ou tonte haute pour garder le sol couvert contre le ruissellement.
  • Contrôle sanitaire : éviter le couvert dense sous le cavaillon (usage des interceps ou décavaillonneuses légères), aérer le rang pour la reprise au printemps.
  • Stockage de carbone/humus : broyage et retour au sol des résidus favorise l’apport d’humus, mais attention à la séquestration azotée trop prononcée (dépend de la composition du couvert).

Besoins d’organisation et coûts d’utilisation

  • Un passage de rouleau consomme entre 0,4 et 0,8 L/ha, contre 1,1 à 2,3 L/ha pour un broyeur aligné monorang (source : Arvalis, mars 2021).
  • L’achat neuf : une tondeuse à fléaux interceps coûte entre 3500 € et 9000 € (selon la largeur, le nombre de têtes, le type d’entraînement). Un rouleau efficace se trouve autour de 1200 € à 3500 €.
  • Sur des grandes largeurs (> 1,8 m), les débit de chantiers sont fortement augmentés, mais attention au poids tracté et à la puissance requise (mini 50 à 60 CV en tracteur étroit sur broyeur lourd).

Astuces pratiques selon situations courantes

  • Hiver doux et humide : passage précoce de rouleau ou tonte, puis passage interceps léger pour contenir le redémarrage en fin d’hiver.
  • Fin février, redémarrage du couvert : préférer un broyage ou une coupe plus ras, en limitant le nombre de passages pour éviter l’usure du sol et ne pas perturber la faune (respect du repos hivernal).
  • Sols séchants : éviter de couper trop ras pour préserver l’humidité.
  • Enherbement naturel vs semé : les couverts semés, plus denses, sont souvent plus facilement couchés par un rouleau. Les couverts naturels, plus hétérogènes, nécessitent souvent une tonte ou un broyage au moins une fois dans l’hiver.

Certains domaines alternent les outils à chaque passage, pour varier l’impact sur la flore et la structure du sol. Par exemple, rouler pour coucher un couvert de graminées mi-janvier, puis broyer les repousses au début du printemps. Cela limite la montée à graine des adventices et maximise le retour au sol.

Évolutions récentes et innovations à surveiller

Plusieurs évolutions méritent d’être suivies de près pour la gestion hivernale :

  • Rouleaux crantés ou “Canadiens” : conçus pour blesser efficacement les couverts lestés, ils assurent un bon contact sol-couvert et limite la repousse, tout en travaillant à faible vitesse.
  • Tondeuses électriques sur tracteur ou autonome : consommations limitées, passage silencieux, adaptation sur petits tracteurs à chenilles ou enjambeurs électriques (voir essais IFV Gironde 2021).
  • Capteurs de biomasse connectés : couplés à des tondeuses ou broyeurs, ils modulent la hauteur de coupe ou la vitesse en temps réel selon la hauteur de végétation (sources : VitiConnect, solutions Weighing-Systems Ag).

L'automatisation et la télédétection en temps réel devraient gagner du terrain pour optimiser passages, consommations et répartition des interventions, avec notamment des retours d’expériences sur stations météo connectées intégrées au parc machines (source : VitiRev Innovation, 2023).

Pour aller plus loin : questions-clés à se poser avant d’investir

  • Quelle est la stratégie d’enherbement du domaine (objectif de couverture, gestion de la concurrence hydrique, protection contre l’érosion) ?
  • Quels sont les matériels déjà disponibles ? Sera-t-il possible de les adapter (fléaux modulaires, rouleaux à lester, kits interceps) ?
  • Y a-t-il besoin de modularité (largeur ajustable, outils combinés) ?
  • Quels sont les coûts d’entretien et de pièces sur 5 ans (fléaux, lames, roulements, etc.) ?
  • Quel est l’impact attendu sur la charge de travail : nombre de passages, logistique des engins, calendrier ?

L’identification rigoureuse du besoin, couplée à des essais comparatifs (en interne ou via les CUMA/coopératives), aide à faire les bons choix. Plusieurs chambres d’agriculture (notamment dans le Bordelais et le Centre-Val de Loire) proposent des démonstrations en hiver avec les fabricants : ces journées permettent de voir les équipements en action, et de comparer sans a priori les solutions.

Ressources et liens utiles

  • Institut Français de la Vigne et du Vin : www.vignevin.com
  • Guide Arvalis “Méthodes mécaniques du désherbage interrangs” (mars 2021)
  • Sites des CUMA départementales (ex : cumabordeaux.com) – pour voir les équipements disponibles à l’essai
  • Retours d’expériences sur Vitisphère

Le choix du bon équipement pour l’enherbement hivernal ne se résume jamais à une seule solution. Prendre en compte les spécificités du vignoble, l’historique des couverts et l’évolution de la météo permettra d’opter pour la combinaison d’outils la plus pertinente. Une gestion optimisée en hiver, c’est aussi un démarrage réussi au printemps et une réserve hydrique préservée pour la saison à venir.

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